Il y avait une fois la fille dâun roi qui Ă©tait si belle quâil nây avait rien de si beau au monde; et Ć cause quâelle Ă©tait si belle on la nommait la Belle aux cheveux dâor car ses cheveux Ă©taient plus fins que de lâor, et blonds par merveille, tout frisĂ©s, qui lui tombaient jusque sur les pieds. Elle allait toujours couverte de ses cheveux bouclĂ©s, avec une couronne de fleurs sur la tÄte et des habits brodĂ©s de diamants et de perles: tant y a quâon ne pouvait la voir sans lâaimer.
Il y avait un jeune roi de ses voisins qui nâĂ©tait point mariĂ©, et qui Ă©tait bien fait et bien riche. Quand il eut appris tout ce quâon disait de la Belle aux cheveux dâor, bien quâil ne lâeƱt point encore vue, il se prit Ć lâaimer si fort, quâil en perdait le boire et le manger, et il se rĂ©solut de lui envoyer un ambassadeur pour la demander en mariage. Il fit faire un carrosse magnifique Ć son ambassadeur; il lui donna plus de cent chevaux et cent laquais, et lui recommanda bien de lui amener la princesse.
Quand il eut pris congĂ© du roi et quâil fut parti, toute la cour ne parlait dâautre chose; et le roi, qui ne doutait pas que la Belle aux cheveux dâor ne consentĂźt Ć ce quâil souhaitait, lui faisait dĂ©jĆ faire de belles robes et des meubles admirables. Pendant que les ouvriers Ă©taient occupĂ©s Ć travailler, lâambassadeur, arrivĂ© chez la Belle aux cheveux dâor, lui fit son petit message; mais, soit quâelle ne fƱt pas ce jour-lĆ de bonne humeur, ou que le compliment ne lui semblĂąt pas Ć son grĂ©, elle rĂ©pondit Ć lâambassadeur quâelle remerciait le roi, mais quâelle nâavait point envie de se marier.
Lâambassadeur partit de la cour de cette princesse, bien triste de ne la pas amener avec lui; il rapporta tous les prĂ©sents quâil lui avait portĂ©s de la part du roi, car elle Ă©tait fort sage, et savait bien quâil ne faut pas que les filles reçoivent rien des garçons: aussi elle ne voulut jamais accepter les beaux diamants et le reste; et, pour ne pas mĂ©contenter le roi, elle prit seulement un quarteron dâĂ©pingles dâAngleterre.
Quand lâambassadeur arriva Ć la grande ville du roi, oĆŻ il Ă©tait attendu si impatiemment, chacun sâaffligea de ce quâil nâamenait point la Belle aux cheveux dâor. Le roi se mit Ć pleurer comme un enfant: on le consolait sans en pouvoir venir Ć bout.
Il y avait un jeune garçon Ć la cour qui Ă©tait beau comme le soleil, et le mieux fait de tout le royaume: Ć cause de sa bonne grĂące et de son esprit, on le nommait Avenant. Tout le monde lâaimait, hors les envieux, qui Ă©taient fĂąchĂ©s que le roi lui fĂźt du bien et quâil lui confiĂąt tous les jours ses affaires.