Il est grand temps de s'apercevoir qu'il n'est guère de penseur qui ait dessiné avec plus de perspicacité les grandes lignes d'un avenir qui est notre présent. Contrairement à ce que répètent ceux qui aimeraient réfuter Marx sans l'avoir lu, les prédictions économiques déduites des analyses du Capital ont été pour l'essentiel validées. Ce livre le démontre avec une rare clarté, en retraçant l'histoire du capitalisme des cent dernières années, à la lueur des thèses marxiennes. Concentration et centralisation du capital, constitution d'un marché mondial et d'une division mondiale du travail et jusqu'à l'émergence de la puissance chinoise, tout cela est dans Marx. Les sociétés par actions, les fonds d'investissement, les hedge funds, le développement de la spéculation non pas sur les profits réels, mais sur les attentes de profits à venir, les «titres pourris» (junk bonds), bref toutes les tentatives par lesquelles le capital cherche à dépasser les barrières propres au rapport capitaliste, tout cela est exposé avec un certain luxe de détails dans Le Capital. Marx a eu raison, pour le pire. Mais sans cesse le capitalisme renaît de ses cendres. La révolution se fait attendre. Sommes-nous arrivés à la fin de l'histoire ? Les rébellions ne sont-elles plus que les feux de paille d'un horizon sans joie ? Sommes-nous condamnés à assister au yo-yo boursier comme des spectateurs impuissants ? L'auteur préfère ne pas s'y résoudre. Il montre comment, en soumettant la planète entière à sa loi, en transformant des milliards d'Indiens, de Chinois, d'Africains demain en prolétaires, en exploitant tous les champs possibles d'accumulation, le capitalisme prépare le moment où la logique de la plus-value s'effondrera bel et bien. En attendant, ce livre examine quelques pistes pour une alternative radicale. Denis Collin est professeur de philosophie. Il a publié Comprendre Marx (Armand Colin, 2006), Revive la République (Armand Colin, 2005) et Morale et Justice sociale (Seuil, 2001).