Tout comme Alphonse Daudet, rendez visite à la bibliothèque des Cigales, allongez-vous au milieu des senteurs de lavande, et laissez-vous raconter ce joli conte provençal.
"De tous les jolis dictons, proverbes ou adages, dont nos paysans de Provence passementent leurs discours, je n'en sais pas un plus pittoresque ni plus singulier que celui-ci. A quinze lieues autour de mon moulin, quand on parle d'un homme rancunier, vindicatif, on dit : "Cet homme-là ! méfiez-vous !... il est comme la mule du Pape, qui garde sept ans son coup de pied."
J'ai cherché bien longtemps d'où ce proverbe pouvait venir, ce que c'était que cette mule papale et ce coup de pied gardé pendant sept ans. Personne ici n'a pu me renseigner à ce sujet, pas même Francet Mamaï, mon joueur de fifre, qui connaît pourtant son légendaire provençal sur le bout du doigt. Francet pense comme moi qu'il y a là-dessous quelque ancienne chronique du pays d'Avignon ; mais il n'en a jamais entendu parler autrement que par leproverbe...
Vous ne trouverez cela qu'à la bibliothèque des Cigales, m'a dit le vieux fifre en riant.L'idée m'a paru bonne, et comme la bibliothèque des Cigales est à ma porte, je suis allé m'y enfermer pendant huit jours."
L'auteur
Né à Nîmes en 1840, Alphonse Daudet a connu une enfance difficile en Provence avant de devenir maître d'études à Alès, épisode qu'il évoquera dans Le Petit Chose (1868). Venu à Paris, il est remarqué dès sa première œuvre, Les Amoureuses (1858), un recueil de poèmes. Devenu célèbre grâce à ses contes, Les Lettres de mon moulin (1866), il reste fidèle à sa Provence natale en composant la trilogie de Tartarin (Tartarin de Tarascon en 1872, Tartarin sur les Alpes en 1885 et Port-Tarascon en 1890). Pour le théâtre, il tire des Lettres de mon moulin un drame, L'Arlésienne que Georges Bizet mettra en musique. Romancier réaliste, Alphonse Daudet va aussi dépeindre les mœurs de son temps dans Jack (1876) ou Sapho (1884) et évoquer la chute de l'Empire et la guerre de 1870 dans Les Contes du lundi (1873). Alphonse Daudet est décédé à Paris en 1897.