Hernani ou l'honneur castillan, de Victor Hugo. La première représentation d'Hernani eut lieu en 1830 à la Comédie Française. Ce fut, ce soir là et tous les soirs suivants, un beau désordre. Malgré les nombreux billets distribués aux amis de l'auteur qui occupaient les points stratégiques de la salle, le public ne cessait de siffler, de huer, de rire. Y eut il bataille ? Hernani fut plutôt une révolution. Les partisans de l'art classique moribond, enfermés dans leur bastille ruinée, durent céder devant le Romantisme et ses jeunes excès. Ces excès, aujourd'hui; ont parfois tendance à nous faire sourire. La pièce : Dona Sol, pupille du vieux Ruy Gomez Da Silva, aime un proscrit, Hernani, et est aimée de lui. Mais elle est aussi aimée de son tuteur et du roi Don Carlos qui espère bien la séduire. La jalousie, la rivalité et la haine séparent les trois hommes et les dressent les uns contre les autres, mais leur sens de l'honneur, l'estime secrète qu'ils se portent, leur grandeur d'âme les poussent parfois à s'aider mutuellement. Malheureusement, si Don Carlos devenu Charles Quint sait renoncer à son amour, le vieux Don Ruy Gomez n'oublie pas sa vengeance : Dona Sol et Hernani mourront dans les bras l'un de l'autre, par la volonté du vieillard et pour sa damnation. Hernani est une histoire d'amour comme on les aimait en 1830. On y entend beaucoup de déclarations emportées, des cris, des sanglots. Les sentiments de n'y expriment que par de grands mots et des rimes sonores. Les épées sont vite dégainées, les poignards vite tendus, le poison vite bu. On s'aime, on souffre, on se bat, on meurt, ; on se done des rendez vous secrets, on se cache dans des armoires, derrière des tableaux truqués, sous un déguisement. On se poursuit d'une génération à l'autre, d'un bout de l'Europe à l'autre, et quand on se rencontre, au fond d'un palais on d'un tombeau, c'est pour se crier sa haine, pour croiser l'épée ou pour se montrer noble et généreux. Mais on s'apercoit bien vite que l'action et les mots sont puissants. On écoute, on est ému. C'est un véritable roman de cape et d'épée, douloureux et qui finit mal. Victor Hugo a 28 ans quand il écrit la pièce. En réalité, il l'âge de ses héros, 18 ans. C'est pour cela qu'Hernani plait encore. L'oeuvre est profondément sincère. Le hasard qui commande l'intrigue fait le jeu de l'amour et de la mort. Et c'est, en fin de compte, cela qui nous touche.