Comment imaginer que tout un basculement de la littérature, qui vaut jusqu'à aujourd'hui, s'établit sur cette poignée de lettres d'un jeune provincial fugueur qui n'a même pas 17 ans encore, ce 15 mai 1871 ?
Et toutes ces formules sur le "voleur de feu", sur le "déréglement de tous les sens", et sur ces "horribles travailleurs", c'est dans cette lettre à Paul Demény, poète de 10 ans son aîné, qu'il a rencontré par son ancien prof de français, Georges Izambard.
Cette lettre est un viatique nécessaire – pour lire et relire, pour diffuser sans cesse. On a perdu nombre de lettres de Rimbaud, mais la suite des lettres à Izambard, celle à Théodore de Banville, sollicitant une publication dans le Parnasse Contemporain, et les lettres à Ernest Delaye, l'ami d'enfance, de l'année suivante, RImbaud cette fois lancé à Paris, sont pour nous le définitif marqueur d'un météore.
Gloire méritée pour Rimbaud, qu'une lettre prenne ainsi pour l'éternité son propre titre, "Lettre du voyant".
Mince bouquet, mais cosmique, essentiel – la forge même de la Saison en enfer et des Illuminations.
FB