La mer, pour ceux du XIXe siècle, c'est un univers qu'on regarde soudain à neuf.
Et Michelet s'en saisit à bras-le-corps dans cet élan de l'historien de la Révolution française : tableau global où tout, paysages, cataclysmes, étonnement, et le labeur des humbles, rejoint l'aventure humaine. Les phrases comme les pieuvres, les plages d'ici comme les pôles au loin. L'oursin comme la baleine...
Nous voilà pour la première fois confrontés – mais par un puissant poème lyrique en prose – à l’abstrait, à l’immatériel de la mer. C’est la période où Gustave Le Gray va photographier les vagues, c’est une révision globale des notions de territoire, de voyage, mais aussi de la logique du vivant.
Michelet, même quand il regarde ce qui n’a pas d’histoire, en fait l’histoire de notre regard. Et il nous force à considérer comme histoire ce qui, en apparence seulement, est éternel.
Michelet est écrivain : c’est son poste d’observation, qu’il décrit. Où il est, et pourquoi. Ce qu’il fait. Avec qui il parle. C'est la magie de ce texte immense, où on s'enfonce sans jamais regarder en arrière : l'horizon de mer est toujours devant. Ici il est aussi horizon langue.
FB
Lorsque paraît le Précis en 1833, Jules Michelet a 35 ans. Il est maître de conférences à l'Ecole normale supérieure et chef de la section historique des Archives du royaume. Il n'a encore rien publié d'important, mais, en cette année faste, il se fait connaître du grand public par deux coups de maître : le Précis de l'Histoire de France et les deux premiers volumes de sa magistrale Histoire de France.