"Dans la grande salle moderne de lâhĂŽtel Maureuse, rue de la Rochefoucauld, le repas de midi sâachevait.
En silence, les trois convives, repus, Ă©grenaient lentement leurs grappes de raisin.
Fernand Maureuse, le maĂźtre de cĂ©ans, posa tout Ă coup sa serviette en tampon sur la table. Sâadressant Ă son fils, il dit :
â Ne tâĂ©loigne pas, Daniel. Jâai besoin de parler longuement avec toi, avant dâaller Ă ma banque.
â Oh ! papa, excusez-moi ! protesta vivement le jeune homme. Vous mâavez laissĂ©, ce matin, la libertĂ© de ma journĂ©e !... Si vous mâaviez prĂ©venu que vous dĂ©siriez mâentretenir, je me serais mis alors Ă votre disposition. Maintenant, jâai pris ou acceptĂ© des rendez-vous. Je ne puis rester auprĂšs de vous sans ĂȘtre obligĂ© de dĂ©commander une bonne douzaine dâamis !
â Tant pis pour cette bonne douzaine-lĂ , mon cher ! Jâai reçu, au courrier de dix heures, une lettre de ton grand-pĂšre qui te concerne. Il me faut en parler longuement avec toi.
Le visage du jeune homme se figea."
Anne de la BoissiĂšre, surnommĂ©e Sainte-Sauvage, est une jeune femme aristocrate vivant dans un autre monde que ses contemporains. La mort de son pĂšre la ruine et la laisse sans rien ; mĂȘme la demeure ancestrale va ĂȘtre vendue. Le liquidateur des biens n'est autre que Daniel Maureuse, le petit-fils du principal crĂ©ancier : Thomas Rasquin, l'ancien berger des la BoissiĂšre, un ĂȘtre avare et sans pitiĂ©, qui s'est enrichi...