Pierre Christin est nรฉ en 1938 dans la banlieue parisienne. Enfant, il est passionnรฉ par les numรฉros de โDรฉtective' et les couvertures illustrรฉes de โRadar'. Plus tard, il soutiendra d'ailleurs une thรจse intitulรฉe "Le fait divers, littรฉrature du pauvre". Entre-temps, aprรจs avoir modestement commencรฉ ses รฉtudes dans un cours complรฉmentaire, il รฉtudie ร la Sorbonne puis ร Sciences po Paris. Dans les annรฉes 1960, entre ses activitรฉs de pianiste de jazz et ses premiers travaux de journalisme, de traduction et d'รฉcriture, il part ร la dรฉcouverte de l'Ouest amรฉricain. Lร -bas, il s'enthousiasme aussi bien pour la vie dans les ranchs et les autoroutes urbaines que pour la science-fiction, le polar et la musique noire, qui est alors ร son apogรฉe. Mรชme s'il continue de s'y rendre, il est aujourd'hui un peu fรขchรฉ avec les รtats-Unis, les rapports entre les gens y รฉtant devenus beaucoup trop durs ร son goรปt. En 1967, il signe, avec Jean-Claude Mรฉziรจres, la premiรจre aventure de Valรฉrian, sans imaginer un instant la longรฉvitรฉ future de son hรฉros. C'est รฉgalement ร ce moment qu'il est nommรฉ ร l'universitรฉ de Bordeaux, oรน il crรฉe, en 1968, ce qui deviendra une รฉcole de journalisme, dont il a toujours รฉtรฉ l'un des animateurs. Dans les annรฉes 1970-1980, ร โPilote', il รฉcrit pour Jacques Tardi, Franรงois Boucq, Jean Vern et bien d'autres โ une soixantaine d'albums dans lesquels il s'essaie ร tous les genres, accordant ses convictions et ses humeurs au tempรฉrament de chaque dessinateur. Il rรฉserve cependant son versant optimiste โ voire utopiste โ ร son vieil ami Mรฉziรจres dont il apprรฉcie la clartรฉ narrative et l'humour rรฉjouissant. Les sujets plus graves, nourris par des enquรชtes dans ce qui est encore ร l'รฉpoque le bloc communiste, il les traite avec Enki Bilal, dans des albums devenus de grands classiques de la bande dessinรฉe politique, comme "Les Phalanges de l'ordre Noir" (Dargaud, 1979) ou "Partie de chasse" (Dargaud, 1983). Avec Annie Goetzinger, il exprime une tout autre sensibilitรฉ dans des portraits de femmes, des intrigues intimistes, ร l'image de "La Demoiselle de la Lรฉgion d'honneur" (Dargaud, 1980) ou de "Paquebot" (Dargaud, 1999). Le mรฉtier de scรฉnariste lui permet d'explorer des vocations restรฉes en friche : bien que s'estimant trop bavard pour l'emploi, il aurait aimรฉ รชtre espion afin de monter des scรฉnarios grandeur nature. Ou encore officier de marine pour avoir tout le temps de lire ร bord de cargos pourris, comme ceux qu'il a empruntรฉs pour รฉcrire "Lady Polaris" (Autrement, 1987), une balade dans les ports d'Europe, publiรฉe avec Mรฉziรจres. Il aurait aussi aimรฉ รชtre architecte pour bรขtir toutes ces villes qu'il a racontรฉes "Los Angeles. L'รtoile oubliรฉe de Laurie Bloom" (Autrement, 1984) ou la Belgrade encore yougoslave de "Coeurs sanglants et autres faits divers" (Dargaud, 1988). Grand voyageur, il sait profiter aussi des immobilitรฉs imposรฉes โ attentes dans les hรดtels, gares et aรฉroports โ pour observer, noter et emmagasiner. Il est capable d'arpenter une ville des journรฉes entiรจres, de faรงon presque obsessionnelle, prenant des photos (plutรดt moches mais efficaces) qu'il distribue ensuite ร ses dessinateurs. Se balader en Patagonie ou descendre les rapides du Mรฉkong ne lui fait pas peur (enfin, pas trop). Chaussรฉ de ses indestructibles Weston โ qu'il avait dรฉjร emportรฉes au cap Nord et dans le Kalahari โ il fait un premier tour du globe par l'hรฉmisphรจre Nord en 1992. Un pรฉriple qu'il raconte dans "L'Homme qui fait le tour du Monde" (Dargaud, 1994), mis en images par Max Cabanes et Philippe Aymond. Il renouvelle l'expรฉrience en 1999, en passant cette fois par l'hรฉmisphรจre Sud. Mais, souvent, ses balades ne le conduisent pas plus loin que Paris : tour de la ville en suivant les rails abandonnรฉs de la petite ceinture ("La Voyageuse de petite ceinture" [Dargaud, 1985], avec Annie Goetzinger), ou de la petite couronne, en vรฉlo ("La Bonne Vie" [tome 5 des "Correspondances", Dargaud, 1999], avec Max Cabanes). Sans jamais oublier la bande dessinรฉe, Christin s'essaie ร d'autres formes d'รฉcriture. Dans ses romans, il รฉvoque aussi bien l'aventure citadine ("ZAC" et "Rendez-vous en ville") que les plongรฉes au fond du terroir franรงais ("L'Or du zinc"). On le retrouve รฉgalement au thรฉรขtre ("Ce soir, on raccourcit") et au cinรฉma (il รฉcrit, avec Bilal, le scรฉnario de "Bunker Palace Hรดtel" en 1989). Avec la collection "Les Correspondances de Pierre Christin" (Dargaud, 1997-2002), il explore d'autres rapports entre texte et dessin. Pour ces albums, publiรฉs dans un format ร l'italienne, il travaille, entre autres, avec Patrick Lesueur, Jacques Ferrandez, Jean-Claude Denis, Alexis Lemoine et Enki Bilal. Une intรฉgrale paraรฎt en 2009 (Dargaud). Considรฉrant que pour vivre heureux, il faut vivre beaucoup, mais cachรฉ, il aurait aimรฉ avoir cent vies, dans cent villes et presque autant d'identitรฉs...