En janvier 2011, une foule compacte investit les rues de Tunis et prend des allures de peuple insurgé. Le départ de Ben Ali, le 14 janvier 2011, lui donne la conviction qu’elle est en train de jouer un rôle majeur dans la vie politique du pays. Le peuple entend renouveler les élites et mettre fin aux clientélismes.
Rapidement, l’union nationale laisse place à des affrontements, certains voulant conserver des pans du passé politique, ou sur la question de la place de l’islam. Les élections législatives et présidentielles de 2011 et de 2019 qui encadrent cette décennie de transition auront finalement été les seuls moments où le clivage « moderniste » / islamiste laissait place à la volonté populaire, dans un élan révolutionnaire ou dans le cadre d’un populisme qui s’impose sur la scène politique en 2019.
Historienne et politologue, Khadija Finan brosse l’histoire de cette décennie sans pareille en l’inscrivant dans l'histoire longue de la Tunisie. Elle met l’accent sur sa singularité : la transition tunisienne, unique dans la région, constitue au cœur du monde arabe un laboratoire de modernité politique. L'auteure s’attache à montrer les difficultés inhérentes à l’apprentissage de la démocratie dans un pays qui a tourné la page de l’autoritarisme, sans rompre avec son passé politique. Le comportement des acteurs politiques, comme les attentes citoyennes attestent de cette ambivalence.
Cet essai décrit l’émergence de forces politiques, dans une démocratie balbutiante et fragilisée par les luttes de pouvoir entre formations antagonistes qui paralysent le pays. La précarité économique est aggravée par la situation sécuritaire puis par la pandémie de coronavirus. La transition doit également prendre en compte les effets de la géopolitique régionale, avec le soutien du Qatar aux islamistes d’Ennahda, et l’appui des Émirats arabes unis au camp moderniste.
Khadija Mohsen-Finan enseigne sur le Maghreb à l’université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne). Elle est l’auteure de nombreux articles et ouvrages, parmi lesquels Le Maghreb dans les relations internationales (CNRS 2011), L’Image de la femme au Maghreb (Actes Sud 2008) et, avec Pierre Vermeren, Dissidents du Maghreb (Belin, 2018).